« La Route du Sucre » A la découverte de l'histoire des célèbres confiseries de Fukuoka élaborées le long de la Nagasaki Kaido
Le Japon, grand pays des sucreries ! Ses origines remontent à l'époque d'Edo (entre les XVIIe et XIXe siècle). De grandes quantités de sucre et d'éléments culturels liée aux sucreries ont été introduits le long de la Nagasaki Kaido, la route qui reliait Nagasaki, plaque tournante du commerce avec l’étranger, à Kokura, ville de Kitakyushu, préfecture de Fukuoka. C'est pour cette raison qu’elle fut surnommée la « Route du Sucre » et qu'une culture culinaire unique imprégnée de sucre s’est développée dans chaque territoire le long de la route.
Dans ce reportage spécial, nous explorerons l'histoire de la Route du Sucre et présenterons un certain nombre de sucreries célèbres transmises dans la préfecture de Fukuoka depuis des générations.
Une nouvelle culture culinaire imprégnée de sucre a vu le jour le long de la Nagasaki Kaido
Durant l'époque d'Edo, le Japon adopta une politique d'« isolement national », sans pour autant être totalement fermé au monde extérieur. À l’époque, la Nagasaki Kaido avait la mission de jouer le rôle d’unique route reliant le Japon isolé à l’Occident et à la Chine.
L'itinéraire faisait environ 228 km de long, le long duquel 25 villes relais (qui prospéraient en tant que plaque tournante du transport) étaient réparties depuis Kokura, ville de Kitakyushu jusqu’à Nagasaki, port de commerce avec l’étranger sous le contrôle direct du shogunat.
Seigneurs féodaux de l’île de Kyushu en route vers Edo pour une présence alternée, samouraïs mobilisés pour garder Nagasaki, chefs de comptoirs commerciaux hollandais rendant visite au shogunat d'Edo, ou bien marchands et artisans voyageant d'un endroit à l'autre… la Nagasaki Kaido était une route animée où circulaient toutes sortes de personnes. Elle a également prospéré en tant qu'artère majeure pour le transport des marchandises importées, des nouvelles technologies et de la culture étrangère dans tout le Japon.
Et le sucre transporté depuis Nagasaki vers les différentes régions, a été introduit en même temps que les techniques de confiserie dans chaque territoire le long de cette route, ce qui a permis l’épanouissement d'une culture des sucreries propre à chaque région.
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Chikuzen Rokushuku et Col de Hiyamizu
À l'époque, la préfecture de Fukuoka comptait six villes relais très fréquentées par lesquelles transitaient de nombreux voyageurs et marchandises : Kurosaki-juku et Kiyanose-juku à Kitakyushu, Iizuka-juku et Uchino-juku à Iizuka, et Yamaya-juku et Harada-juku à Chikushino. Ces villes relais sont collectivement connues sous le nom des « six villes relais de Chikuzen ».
On dit que leurs origines remontent à 1612, quand Kuroda Nagamasa, premier seigneur de Fukuoka, aménagea le difficilement praticable « col de Hyamizu » qui reliat Uchino-juku à Yamaya-juku. Après l'institutionnalisation du système de « sankin-kotai » (séjour alterné à Edo) par le shogunat Tokugawa en 1635, les seigneurs féodaux se rendant à Edo se mirent à l’emprunter, amorçant ainsi l’essor des villes relais.
Le sucre passe du statut de denrée rare à celui de produit importé en grandes quantités
C’est pendant l'époque de Nara (VIIIe siècle) que le sucre a été introduit au Japon. À l'époque, il n'était pas utilisé comme aliment, mais en très petites quantités comme médicament.
Ce n'est qu'avec le début du commerce avec le Portugal, dans la seconde moitié du XVIe siècle, que son importation s'est véritablement répandue. On raconte que le missionnaire portugais Luís Fróis se rendit à Kyoto pour demander l'autorisation de propager le christianisme et offrit à Oda Nobunaga du sucre confeito (une variété de sucre candi) dans une bouteille en verre.
Durant l'époque d'Edo, les navires portugais furent interdits d'accès en raison de la politique isolationniste, mais des navires hollandais et chinois commencèrent à arriver, transportant des objets de cultures asiatique et européenne. Le sucre était une denrée importante, et l'on raconte que de grandes quantités de sucre furent importées au XVIIIe siècle.
Arrivée des Occidentaux au Japon (1596-1615) / Paravents des Portugais arrivant au Japon
Musée d'Histoire et de Culture de Nagasaki
Nagasaki a été inondée de sucre
Le sucre importé à Nagasaki par les navires hollandais et chinois était d'abord débarqué à Dejima notamment. Le Nagasaki Kaisho, agence commerciale du shogunat Tokugawa, achetait alors tout le sucre et le vendait aux marchands du pays par enchères. La majeure partie du sucre était transportée par bateau de Nagasaki à Osaka par les marchands, mais le sucre était également distribué à Nagasaki sous diverses formes, en dehors des routes commerciales officielles.
Vues des ateliers chinois et néerlandais à Nagasaki
Musée d'Histoire et de Culture de Nagasaki
Vues des ateliers chinois et néerlandais à Nagasaki
Musée d'Histoire et de Culture de Nagasaki
Par exemple, le personnel des comptoirs commerciaux hollandais et les marchands chinois offraient parfois du sucre aux courtisanes du quartier des divertissements de Maruyama. Les journaliers du port recevaient également du sucre à l'avance pour les empêcher de le voler secrètement pendant leur travail. De plus, une partie du sucre était offerte par des navires chinois à des temples de style chinois comme le Kofuku-ji ou le Fukusai-ji à Nagasaki.
La quantité de sucre circulant ainsi à Nagasaki sans passer par les canaux officiels représenterait 5 à 10 % du total des importations.
Un gros plan d'une section du rouleau montre des transporteurs laissant tomber des récipients et renversant du sucre.
Le fief de Fukuoka a créé une route de distribution directe pour le sucre
C’est durant l'époque d'Edo que le sucre fut introduit dans la préfecture de Fukuoka. À cette époque, le domaine de Fukuoka, ainsi que celui de Saga, reçurent l'ordre du shogunat Tokugawa de protéger Nagasaki. En conséquence, environ 2 000 samouraïs étaient envoyés à Nagasaki tous les deux ans, ce qui nécessitait d'énormes dépenses pour se procurer de la nourriture et d'autres fournitures, et la garde de Nagasaki représentait un énorme fardeau financier.
Pour alléger ce fardeau, le fief de Fukuoka établit à Nagasaki un centre de stockage et de vente de marchandises. De plus, en confiant à des marchands de confiance la gestion de points de vente en gros à Nagasaki, il créa une voie unique pour la distribution directe de marchandises importées, comme le sucre, jusque-là acheminées via Osaka vers Fukuoka. Le domaine de Saga prit des mesures similaires, et l'on raconte que le sucre devint abondant dans les deux domaines du nord de Kyushu dès le XVIIIe siècle.
Qui est à l’origine la culture culinaire imprégnée de sucre ?
Le commerce avec le Portugal fut interdit en 1639 et les Portugais furent expulsés du Japon. Cependant, les sucreries Nanban qu'ils apportèrent avec eux, comme le castella, le bolo et les confeitos, demeurèrent populaires en tant que douceurs particulièrement exotiques.
On pense que les Chinois qui vivaient dans la ville de Nagasaki jusqu'à ce qu'ils soient mis à l’écart dans la « Maison chinoise » en 1689 ont joué un rôle important dans l'introduction des méthodes et des techniques de fabrication de ces sucreries Nanban (de style européen).
Par la suite, le nombre de magasins fabriquant et vendant des sucreries a augmenté à Nagasaki, et vers 1720, les sucreries Nanban étaient vendues dans toute la ville comme souvenirs de Nagasaki.
Dans cet environnement, les érudits et les médecins venus à Nagasaki pour s’initier aux études hollandaises, ainsi que les marchands et les artisans qui voyageaient d'un endroit à l'autre, se sont familiarisés avec une culture culinaire imprégnée de sucre. Ce sont eux qui ont diffusé les techniques de fabrication de sucreries qui avaient été mises au point à Nagasaki dans tout le Japon via la Nagasaki Kaido.
La « seconde Route du Sucre » est née dans la préfecture de Fukuoka
Vers la fin de l'époque d'Edo, le traité d'amitié et de commerce entre le Japon et les États-Unis fut conclu en 1858, ce qui conduisit à l'ouverture de ports dans tout le pays, dont celui de Yokohama. Par conséquent, le statut de Nagasaki comme port de commerce déclina progressivement. Par ailleurs, avec l'ouverture du chemin de fer de Kyushu en 1889, la Nagasaki Kaido perdit progressivement son dynamisme d'antan.
Cependant, la « Route du Sucre » ne fut pas fermée. En 1904, une raffinerie de sucre fut établie à Moji, dans la ville de Kitakyushu, pour traiter le sucre importé de Taïwan, et une « seconde Route du Sucre » vit le jour dans le nord de Kyushu.
Au même moment, de grands groupes financiers comme Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo et Furukawa s'implantèrent dans les mines de charbon de la région de Chikuho. En outre, avec le démarrage des activités des aciéries impériales de Yawata, une société industrielle moderne centrée sur l'extraction du charbon et la sidérurgie, commença à se développer dans la préfecture de Fukuoka, en avance sur le reste du pays. Pour les ouvriers des mines de charbon et des aciéries, les en-cas sucrés étaient très appréciés, car ils constituaient un complément nutritionnel procurant un regain d'énergie rapide.
Le chemin de fer construit pour le transport du charbon transportait également du sucre et des haricots, ingrédients de sucreries. Le spectacle du chargement de sucreries comme le yokan, fabriquées à partir de ces ingrédients, était digne de celui d'une Route du Sucre moderne.
Une célèbre sucrerie de la région d'Iizuka, connue comme la « Capitale du charbon de Chikuho »
À l'époque d'Edo, la préfecture de Fukuoka était un important producteur de sucreries au malt, un édulcorant obtenu par saccharification du riz gluant avec des enzymes de malt. Même après l’apparition des sucreries à base de sucre, la fabrication de sucreries traditionnelles au malt s’est poursuivie.
Cependant, à l'époque moderne, la situation a changé avec l'essor de l'industrie charbonnière. Le Castella Manju, un gâteau cuit au four, consistant en une pâte de haricots blancs à base de haricots verts et de sucre, enveloppée dans une pâte à castella à base de farine de blé et d'œufs, commença à attirer l'attention. Le castella manju, influencé par les sucreries Nanban, était un cadeau très apprécié qui, avec le développement de l'exploitation minière du charbon, contribua à l’émergence d’une nouvelle culture des sucreries dans la région de Chikuho.
Horloge Karakuri de la rue commerçante Iizuka Honmachi
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Meika Hiyoko
À une époque où n’existaient que des manju ronds ou carrés, leur adorable forme de poussin les a rendus populaires auprès du grand public. Ils ont fait leur apparition à Tokyo à l’occasion des Jeux olympiques de 1964. Vendu à la gare de Tokyo notamment, le « Tokyo Hiyoko » est devenu un souvenir incontournable de la ville.
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Chidori Manju
Un manju cuit au four est composé d'une fine pâte de castella fourrée d'une pâte de haricots blancs. Il est orné d'un motif chidori (pluvier) gravé sur sa surface. Les sucreries étant censées soulager la fatigue, il est devenu un souvenir populaire à rapporter parmi les mineurs de charbon. On raconte aussi qu'Ito Den-emon, connu comme le magnat des mines de charbon, l'appréciait également.
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Yamada Manju
Un castella manju cuit au four, composé d'une exquise pâte fondante au jaune d'œuf, enveloppée dans une pâte moelleuse et savoureuse. Sa forme, rappelant les « botayama » (montagnes formées par l'extraction du charbon), symbole des bassins miniers de Chikuho, et son goût simple en font un gâteau apprécié depuis des générations.
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Kuro daiya (Diamant noir)
Le charbon, qui a contribué au développement du Japon moderne, a été surnommé le « diamant noir » en raison de son importance. Le yokan « Diamant noir » de Kameya Nobunaga se caractérise par son aspect noir et rugueux, à l'image du charbon qui a généré d'importants profits pour la région de Chikuho. Il est toujours apprécié aujourd'hui comme le mets local par excellence dans une ville qui a prospéré grâce à l'exploitation du charbon.
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Iizuka-juku et Uchino-juku : vestiges de la période Edo
La ville d'Iizuka comptait deux villes relais qui comptaient parmi les « six villes relais de Chikuzen » sur la Nagasaki Kaido.
La première était Iizuka-juku, située à l'intersection de la rivière Onga et de la Nagasaki Kaido, et par laquelle transitaient de nombreuses personnes et marchandises. L'autre, Uchino-juku, était la ville relais la plus proche du col de Hiyamizu, réputé pour être la partie la plus difficile de la Nagasaki Kaido et qui prospéra en tant que lieu de séjour pour les voyageurs sur le point de franchir le col.
Les deux lieux conservent encore leur ancienne atmosphère de villes relais, alors pourquoi ne pas vous y promener en vous laissant guider par les panneaux indicateurs et autres monuments en pierre ?
En Réalité, les sucreries sont largement appréciées à Kitakyushu depuis la période Edo
Ce n'est qu'à l'époque moderne que les confiseries Nanban, introduits depuis Nagasaki, ont commencé à être largement produits dans la région de Kitakyushu.
Cependant, des documents de l'époque d'Edo montrent que le taux de carie dentaire était de 11,7 % à Tokyo (Edo), contre 26,9 % à Kokura, soit plus du double. Cela suggère que le sucre était déjà consommé quotidiennement à Kokura à cette époque.
Lors de la création des aciéries impériales de Yawata en 1901, la demande de sucreries pour les ouvriers fatigués par le travail intensément physique augmenta. Dès lors, de nombreuses sucreries caractéristiques, emblématiques de Kitakyushu, virent le jour.
Une rangée de pins qui rappelle la route d'alors de Kurosaki-juku à Koyanose-juku
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Kuri manju (manju aux châtaignes)
Le kuri manju est une confiserie à base de châtaignes et de pâte de haricots, enveloppée dans une pâte de manju cuite et dont la recette a été introduite lors du commerce international à l'époque d'Edo. C'est le produit phare de Kogetsudo, la plus ancienne confiserie de Kokura. L’utilisation de châtaignes séchées et pilées, lui confère la réputation d’être un porte-bonheur censé apporter la victoire.
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Kogiku Manju
Son origine remonte aux manju vendus à Kiku-no-Nagahama, un lieu pittoresque représenté sur la boîte. Ces petites bouchées de manju, préparées à partir de farine de riz et de peau d'igname râpée, et fourrées de pâte de haricots blancs ou rouges, sont devenues populaires auprès des voyageurs de passage sur la route et sont finalement devenues une spécialité de Kokura.
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Kurogane Yokan
Ce yokan a été développé et vendu par les aciéries impériales de Yawata dans le cadre d'un soutien nutritionnel à ses employés. Fabriqué à partir de sucre raffiné, ce qui lui confère une forte saveur sucrée, il était conçu pour se glisser facilement dans la poche de poitrine d'un uniforme de travail. C'était une précieuse source de calories pour les personnes effectuant un travail physique pénible.
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Konpeito
Le konpeito est une confiserie emblématique des sucreries Nanban. Son nom vient de « confeito », une sucrerie portugaise fabriquée à partir d'un cœur de graines de pavot ou de sésame solidifié dans du sirop. Après son introduction au Japon, un konpeito unique a été créé, composé uniquement de sucre et d'un cœur de sucre cristallisé. Aujourd'hui, Irie Seika, située dans l'arrondissement de Yahatanishi, à Kitakyushu, est la seule confiserie de Kyushu à préserver cette méthode traditionnelle.
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Le temple Kojusan Fukujuji, qui a contribué au développement de la culture des sucreries de Kokura
Au début de la période Edo, le seigneur du domaine de Kokura, Ogasawara Tadamasa, fit venir un grand prêtre bouddhiste de Chine pour construire un magnifique temple appelé Kojuzan Fukujuji afin de vénérer ses ancêtres.
Les confiseurs qui servaient le domaine féodal fréquentaient ce temple et y faisaient des offrandes de sucreries comme le Karamanju. On dit que le temple jouait non seulement un rôle religieux, mais aussi un centre culturel, ce qui a eu un impact majeur sur le développement de la culture des sucreries.
Savourez les célèbres douceurs de Fukuoka élaborées sur la Route du Sucre !
Cela fait plus de 400 ans que le sucre a été introduit au Japon. La culture culinaire imprégnée de sucre, qui a pris racine le long de la Route du Sucre, s'est développée, reflétant les caractéristiques uniques de chaque territoire grâce aux idées et à l'ingéniosité des habitants, et est toujours transmise et appréciée aujourd'hui.
En visitant chaque territoire le long de la Nagasaki Kaido, vous pourrez admirer le savoir-faire des confiseurs et même vous essayer à la confection de sucreries., Profitez d’un moment pour vous remémorer la riche histoire des sucreries qui s'est développée le long de la Route du Sucre en dégustant les célèbres douceurs présentées ici.
Le pont Tokiwabashi était le point de départ de la Nagasaki Kaido et le point d'arrivée de la Route du Sucre
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« La Nagasaki Kaido, la Route du Sucre qui a diffusé la culture du sucre » a été désignée site du patrimoine japonais !
La Nagasaki Kaido, la Route du Sucre qui a diffusé la culture du sucre, a été désignée site du patrimoine japonais en 2020 en reconnaissance des démarches visant à revitaliser la région en mettant en valeur l’histoire de l'introduction et du développement de la culture du sucre et des sucreries, les techniques traditionnelles transmises et les paysages de chaque territoire.
Grâce à cette certification, un nombre croissant de touristes visitent la Nagasaki Kaido pour découvrir l'histoire du sucre et des sucreries traditionnelles, tandis que les collectivités locales concernées intensifient leur coopération afin de revitaliser davantage la région.
<Références>
Guide du Patrimoine japonais, la Nagasaki Kaido qui diffusa la culture du sucre - la Route du sucre -
Planifié et publié par : le Conseil de liaison de la Route du sucre